- MARCHÉ FINANCIER
- MARCHÉ FINANCIERDans les pays à économie de marché, les agents économiques qui doivent faire face à un besoin de financement – entreprises, État, collectivités locales – et ceux qui disposent de capacités de financement – gestionnaires individuels ou collectifs d’épargne, institutions financières – confrontent demande et offre de capitaux sur ce qu’il est convenu d’appeler le marché financier.Au cours des années 1980, de nombreuses innovations concernant à la fois les instruments mis à la disposition de l’ensemble des agents et les conditions de leur négociation ont profondément modifié les structures en place depuis la fin du XIXe siècle. Ces mutations ont été favorisées par un irrésistible mouvement de libéralisation dû à la levée des entraves freinant la circulation des capitaux, à l’ouverture des marchés et à la concurrence internationale.Elles se sont répercutées sur la définition du terme « marché financier», elle-même en pleine transformation. Ainsi, en France, la distinction traditionnelle entre le marché monétaire, celui de l’argent à court terme (moins d’un an), «utilisant comme support des effets publics ou privés à brève échéance» et le marché financier, celui de l’argent à long terme, «utilisant les valeurs mobilières comme véhicule» (Banque de France, Note d’information no 71, juill. 1987), s’est estompée au profit de l’avènement d’un grand marché unifié des capitaux . En effet, jusqu’à la fin des années 1970, le marché français des capitaux était fortement cloisonné. Des barrières étanches séparaient marché monétaire et marché financier. Certaines échéances n’étaient pas couvertes par les instruments disponibles. L’accès à chaque compartiment des marchés était exclusivement réservé à certains agents économiques; ainsi le marché monétaire était-il, à de rares exceptions près, réservé aux établissements de crédit. Des autorités différentes assuraient la tutelle de chaque département. La couverture des risques encourus n’était pas toujours possible pour les intervenants.Depuis la loi du 24 janvier 1984 a été entrepris, sous l’impulsion des pouvoirs publics, un décloisonnement des marchés destiné à assurer la confrontation globale de l’offre et de la demande de capitaux. L’ouverture des marchés s’est effectuée essentiellement par la création de cinq nouveaux instruments financiers de caractéristiques similaires, permettant l’instauration d’un véritable continuum d’échéances entre le très court terme (10 jours) et le long terme (7 ans, c’est-à-dire le seuil du marché obligataire). Ce sont les certificats de dépôt émis par les établissements de crédit (mars 1985), les billets de trésorerie émis par les entreprises (décembre 1985), les bons du Trésor négociables émis par l’État (janvier 1986), les bons des institutions financières et les bons des sociétés financières (mai 1986). Cette ouverture a été assurée également par le renforcement de la concurrence entre les établissements financiers par la mise en place d’instruments de couverture des risques sur les différents marchés (création du marché à terme des instruments financiers, dit M.A.T.I.F., en février 1986, devenu marché international de Paris en décembre 1987, instauration d’un marché d’options négociables sur actions à Paris, dit MONEP, en septembre 1987) et par une politique très active d’émission et de gestion des titres de l’État qui a permis de dynamiser le marché obligataire.Progressivement, l’expression de marché financier est devenue un concept général, aux contours flous. L’acception courante y inclut tout ce qui touche à la finance nationale ou internationale: marché des changes, marché monétaire (court terme), marché des capitaux (moyen et long terme), marchés des nouveaux instruments financiers.Le présent article traite seulement du marché des valeurs mobilières, qui constituent encore, au début des années 1990, la plus grosse part du marché des capitaux.1. Les marchés classiques nationaux des valeurs mobilièresLes produits échangésLes titres émis et échangés sont originellement de deux types: les actions, représentant une part du capital social, titres non remboursables, assortis d’un dividende variable en fonction des résultats de la firme et d’un droit de vote; les obligations, titres de créance à long terme remboursables au pair et assortis d’un intérêt fixe.Mais, depuis une vingtaine d’années, des formes nouvelles de ces titres ont été imaginées, soit pour préserver les intérêts des acheteurs: obligations avec formules d’indexation du capital ou de revalorisation du revenu, soit pour s’adapter aux spécificités des émetteurs: actions sans droit de vote, certificats d’investissement, titres participatifs, etc.Des produits intermédiaires ont été créés: ainsi les obligations à bons de souscription d’actions ou des produits dérivés, actions de S.I.C.A.V. (sociétés d’investissement à capital variable) ou parts de F.C.P. (fonds communs de placement), représentant les unes ou les autres une fraction d’un portefeuille géré par un organisme de placement collectif de valeurs mobilières (O.P.C.V.M.). Plus éloignés encore de la valeur mobilière de base sont les contrats à terme et les options qui sont négociés sur les marchés spécifiques destinés à assurer la couverture des risques (cf. M.A.T.I.F.).L’activité des marchésMarchés des actionsLes actions, à l’émission, se placent sur les marchés dits primaires. Sauf quelques exceptions, les émissions sont faites par appel public à l’épargne, les intermédiaires courants entre demandeurs et offreurs de fonds étant les banques ainsi que les sociétés de Bourse.Les marchés dits secondaires se chargent d’assurer la circulation des titres. Cette fonction est essentiellement dévolue aux Bourses de valeurs qui ont vu le jour dès le XVe siècle, ont été organisées au XIXe siècle (Paris, loi du 19 mars 1801) et ont été radicalement modernisées au début des années 1980. Les marchés locaux se sont ouverts par aménagement ou suppression des réglementations nationales. Parallèlement, les techniques de cotation, d’information et d’intervention se sont profondément modifiées. Un des plus spectaculaires changements a été le «big bang» au London Stock Exchange en octobre 1986. La réforme de la Bourse de Paris a été réalisée à partir de 1983 avec la suppression de la double cotation au comptant et à terme, qui existait pour quelque deux cent cinquante valeurs, et la création d’un marché unique à règlement mensuel. En 1986 sont apparues les premières cotations en continu avec assistance informatique. Les intermédiaires obligés étaient, en France, jusqu’à une époque récente, les agents de change. Leur monopole a été supprimé en 1986 au profit de «sociétés de Bourse» qui ont ouvert leur capital aux établissements bancaires. L’existence des deux marchés primaire et secondaire est étroitement liée, le succès des émissions étant largement tributaire de la liquidité sur le marché secondaire.L’importance du marché primaire se mesure au volume des émissions annuelles qui y sont effectuées, celle du marché secondaire au volume des transactions potentielles (capitalisation boursière) ou effectives (montant des transactions) qu’il assure.Une comparaison internationale portant sur l’année 1989 permet de situer Paris au deuxième rang pour les émissions d’actions, derrière le Japon, mais devant les États-Unis. Le tableau 1 permet de constater que, sur une période de douze ans, le volume des émissions d’actions est instable. On constate par ailleurs que le marché américain était le plus important jusqu’en 1987. Le marché japonais lui a ravi la première place depuis 1988. Les changements sont importants aussi sur les marchés secondaires. Les capitalisations boursières des deux Bourses japonaises de T 拏ky 拏 et d’ 牢saka, qui atteignaient ensemble à la fin de 1977 environ la moitié de celle de New York, sont chacune supérieure à New York à la fin de 1989. Pendant le même temps, Paris est passé du huitième au sixième rang, malgré la perte de capitalisation due aux nationalisations de 1982 qui n’a été que partiellement compensée par les privatisations de 1986 et 1987. Le second marché, créé en 1983 pour faciliter le financement des entreprises de taille moyenne, a soutenu l’activité des Bourses de Paris et de province. Mais Londres reste toujours, de très loin, la première place financière européenne (tabl. 2).Les Bourses de valeurs sont souvent citées comme l’exemple du marché parfait. L’offre et la demande des titres s’égalisent à un cours censé refléter toute l’information disponible. Il concrétise les anticipations des opérateurs sur l’avenir de la société dont le titre est coté. Il inclut aussi les informations concernant la conjoncture nationale et internationale. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’évolution des indices boursiers des six principaux marchés (cf. figure) fait apparaître, après une période de reconstruction, une stagnation quasi générale dans les années 1960, une courte dépression après le premier choc pétrolier et, depuis 1978, une envolée générale, particulièrement accentuée dans certains pays en 1982. La chute très brutale des cours en octobre 1987 a constitué une sérieuse alerte, sans conséquences macroéconomiques majeures dans l’immédiat. Une petite secousse moins ample a été observée en octobre 1989 et une baisse plus importante, liée à la crise du Golfe, en 1990. De 1978 à 1989, le cours moyen des actions en monnaie nationale a été multiplié par 9,7 en Italie, 6,3 en France, 5,6 au Japon, 5,1 au Royaume-Uni, 3,3 aux États-Unis et 2,3 en R.F.A.Marché des obligationsDans la plupart des pays, le marché primaire des obligations (tabl. 3) est plus important que le marché primaire des actions et se trouve largement dominé par l’activité émettrice du secteur public ou semi-public et des institutions financières (tabl. 4). Les entreprises privées non financières ne recueillent qu’une faible part des fonds drainés par ce marché. En 1988, par exemple, la part maximale, qui est prélevée aux États-Unis, n’atteint que 22 p. 100 du total des émissions d’obligations de ce pays.Les marchés obligataires secondaires sont moins centralisés que les marchés secondaires d’actions. L’enregistrement des valeurs à revenu fixe est obligatoire mais souvent formel. La plus grande partie des transactions s’effectue par le canal des banques qui traitent par blocs. L’examen des capitalisations boursières des obligations cotées sur les principales places financières en 1989 fait apparaître la suprématie de New York. Il convient de noter que les Bourses allemandes réalisent ensemble un volume particulièrement important de transactions.La valeur d’une obligation est presque mécaniquement déterminée par la confrontation entre le taux d’intérêt qui y est attaché et les taux du marché. Ces derniers ont subi des fluctuations considérables dans les vingt dernières années.Marché des titres des sociétés d’investissement à capital variable et des fonds communs de placementLes S.I.C.A.V. et F.C.P. constituent un relai pour le placement de l’épargne. Ces titres dispensent l’investisseur des affres de la gestion et simplifient la tache des intermédiaires. Ils connaissent un succès considérable puisque l’actif net des S.I.C.A.V. représente 1 269,6 milliards de FRF à la fin de 1989. Mais 57,2 p. 100 de cet actif est imputable à des S.I.C.A.V. court terme traitant des titres du marché monétaire. À la même date, les F.C.P. possèdent un actif net de 441,6 milliards de FRF.2. Le comportement des agents sur le marché financierL’offre et la demande d’actifs financiers repose essentiellement sur les ménages, les sociétés et les administrations.Les ménagesC’est l’épargne des ménages qui alimente principalement les marchés financiers soit directement, soit par le truchement d’institutions financières, y compris les caisses de retraite et les compagnies d’assurances. Les comportements d’épargne ainsi que la richesse nationale déterminent les taux et les niveaux d’épargne. Dans les années 1980, on constate un recul général de l’épargne dans les principaux pays industrialisés. En France, de 1981 à 1989, l’épargne totale a reculé de 32 p. 100 et l’épargne financière, qui n’en constitue qu’une partie, de 61 p. 100. Mais cette dernière s’est restructurée au profit des placements longs (valeurs mobilières, assurances). À partir de 1978, des dispositions fiscales incitatives ont favorisé la constitution de portefeuilles de valeurs mobilières par les particuliers. Ces incitations se situent aussi bien lors de l’acquisition des titres, à condition qu’ils soient conservés durablement, que lors de la perception des revenus, avec un abattement défiscalisé ou un prélèvement libératoire, ou lors de la réalisation des plus-values en cas de cession, avec un abattement défiscalisé.Les sociétésAlors que les ménages sont essentiellement offreurs de fonds, les entreprises se présentent principalement comme demandeurs pour assurer une part de leur financement externe. La structure de leur financement global et externe varie selon les pays et les époques. Elle reflète à la fois la santé des entreprises et les attitudes de financement. En France, le taux d’autofinancement a oscillé entre 70 et 85 p. 100 dans les années 1960. Dans les vingt années suivantes, il se situe dans une fourchette de 55 p. 100 à 98 p. 100 avec un creux en 1974 (65 p. 100) et un minimum en 1981 et 1982 (55 p. 100), puis une croissance continue jusqu’en 1986 (98 p. 100) traduisant une meilleure rentabilité des entreprises. De 1987 à 1989, il passse de 90 à 88 p. 100. La structure du financement externe s’est sensiblement modifiée dans la dernière décennie, en raison notamment de l’utilisation des nouveaux instruments mis à la disposition des sociétés. Le tableau 5 permet, en effet, de constater, entre 1982 et 1989, la diminution de la part du crédit bancaire et le développement du recours aux billets de trésorerie, traduisant un phénomène de «désintermédiation» bancaire. La part des émissions de valeurs mobilières, également croissante, s’est élevée à plus de 50 p. 100 du financement externe en 1986 et 1987. Il s’agit surtout d’émissions d’actions.Les sociétés interviennent également sur les marchés financiers pour effectuer des placements. Ceux-ci se sont nettement accrus dans la dernière décennie, passent de 8 p. 100 de leur valeur ajoutée des sociétés en 1980 à 15,9 p. 100 en 1989. Cette progression est due principalement aux acquisitions d’actions induites par la vague de restructurations industrielles et financières effectuées dans la perspective du grand marché européen et par le développement du marché boursier.Les administrationsLes administrations publiques centrales – dont l’État –, locales et de sécurité sociale recourent au marché financier pour combler le déficit entre leurs ressources assurées par les prélèvements obligatoires et leurs dépenses. On a vu que le secteur public dans son ensemble est l’emprunteur principal sur le marché obligataire de nombreux pays. En France, les émissions d’obligations des administrations publiques, très variables selon les années, se sont élevées à 112 milliards de FRF en 1986, 17 milliards en 1987, 61 milliards en 1988 et 76,5 milliards en 1989.3. Le marché internationalLes produits offerts sur les marchés nationaux, du moins pour ce qui concerne les valeurs mobilières, sont en général accessibles aux étrangers. Seuls quelques rares pays, en Amérique latine notamment, imposent des restrictions à l’entrée. La suppression des contrôles des changes, la modernisation des techniques informatiques de communication ont augmenté l’interpénétration des marchés. On estime, par exemple, que les étrangers ont réalisé, en 1988, 40 p. 100 des transactions sur la Bourse de Paris.Mais il existe un marché international sur lequel s’échangent des produits spécifiques. Mis à part les prêts bancaires, le marché international des titres est essentiellement un marché obligataire. En effet, la part des titres à court terme y est relativement modeste: les émissions nettes d’euro-effets ne représentent, en 1989, que 4 p. 100 des émissions nettes d’obligations. Ces obligations sont dites étrangères lorsqu’elles sont émises par les résidents d’un pays sur le marché d’un autre pays et libellés dans la monnaie du pays d’accueil. Il en est ainsi, par exemple, des émissions «yankies» sur le marché américain et «samouraï» sur le marché japonais. Elles sont qualifiées d’internationales lorsqu’elles sont «placées simultanément sur les marchés d’au moins deux pays et libellées dans une monnaie qui n’est pas nécessairement celle de l’un de ces deux pays». Cette définition, adoptée par l’O.C.D.E., correspond aux émissions d’euro-obligations. Ce type de titres s’est développé à partir de 1963 dans un contexte de restrictions aux mouvements de capitaux. Le tableau 6 permet de suivre l’évolution depuis 1978 des émissions étrangères par marché d’accueil et de noter la place prépondérante de la Suisse. Il permet également de suivre l’évolution des émissions internationales par monnaie et de constater que le dollar, malgré le développement des titres libellés en marks, en livres sterling et en yen, maintient son avance, que l’écu progresse régulièrement. Il faut noter que les échéances des euro-obligations en font souvent des titres à moyen terme (à partir d’un an). Sur ce marché international et surtout euro-international, les emprunteurs sont des firmes, des institutions financières, des collectivités locales, des États ou des organismes internationaux implantés en quasi-totalité dans les pays de l’O.C.D.E.Bien qu’en plein essor, les marchés obligataires internationaux sont loin d’atteindre la taille des plus grands marchés nationaux. En 1989, les émissions extérieures (étrangères et internationales) atteignaient 253,9 milliards de dollars, alors que le seul marché américain recueillait 788 milliards de dollars et le marché japonais 663 milliards de dollars. Il est vraisemblable que la poursuite de la déréglementation et l’ouverture des marchés nationaux tendront à réduire ce marché spécifique au profit des marchés nationaux. Seules les réglementations fiscales constituent un obstacle qui se révèle très résistant.Les mouvements internationaux de portefeuille, concernant les opérations réalisées sur les marchés primaires et secondaires, sont enregistrés dans la balance des paiements. Ils se sont développés après la Seconde Guerre mondiale pour faire face aux besoins de financement dus à la reconstruction. Un nouvel essor s’est produit en 1959, avec l’instauration de la convertibilité des monnaies et la construction progressive de l’Europe. À partir de 1985 et 1986, la levée quasi totale des contrôles des changes et la suppression des restrictions qui frappaient les émissions des non-résidents sur les marchés américain et japonais ont encore provoqué une augmentation des flux. L’année 1986 a constitué une pointe. En 1989, le Royaume-Uni, le Japon et la R.F.A. étaient les premiers investisseurs nets. Mais, les soldes de portefeuille étant très instables, ces classements sont toujours provisoires.
Encyclopédie Universelle. 2012.